Un soupçon
Année: 1965
Auteur: Paul Éluard (1895 - 1952)
Artiste: Michel Guino (1926 - 2013)
Éditeur: Degré quarante et un
Une histoire mouvementée
Derrière la beauté raffinée de ce livre se cache du reste une histoire mouvementée. Éluard avait promis d'écrire une préface pour le poème d'Iliazd Lidantiu faram (1923), mais s'était rétracté après l'incident de la soirée dite du 'Cœur à Barbe'. Tristan Tzara était l'organisateur de cette soirée et Iliazd en avait réalisé l'affiche. Éluard ne voulait pas que son nom paraisse à côté de celui de Cocteau sur le programme, et revint sur sa promesse dans une lettre adressée à Iliazd. Mais ce n'est pas tout. Au cours de la fameuse soirée dada du 6 juillet 1923, Iliazd ne voulut pas prendre parti dans un conflit entre Éluard et Tzara. Au grand dam d'Éluard, Tzara avait fait appel à la police pour expulser André Breton et avait poursuivi Éluard en justice pour la somme de 30.000 Francs; car c'était principalement la faute de ce dernier, considérait Tzara, si la deuxième soirée n'avait pas pu avoir lieu. Finalement, afin de préserver leur bonne entente et leur amitié, Éluard proposa à Iliazd le poème Un soupçon.
Sculpture sur papier
Iliazd fut si impressionné par ce poème qu'il désira en faire un beau livre après le décès d'Éluard. Le mot 'légère', en particulier, qui y revient régulièrement (avec ses multiples significations: fine, aérienne, audacieuse), lui avait fait une vive impression et provoquait en lui toutes sortes d'associations d'idées. À chaque répétition du mot 'légère', il imaginait une sorte de sculpture d'acier aérienne qui représenterait le poème d'Éluard. Il avait déjà un artiste en tête pour réaliser cela, le jeune sculpteur français Michel Guino, avec lequel il avait fait connaissance en 1955 à Saint-Germain des Prés. Les gravures en couleur de Guino, cinq au total, ressemblent de manière frappante aux sculptures aériennes d'acier déchiré dont Iliazd avait rêvé. Ces 'sculptures sur papier' sont de couleurs si chaudes et font un tel usage de la perspective qu'elles donnent l'impression d'être en trois dimensions et sortent presque du papier.
Description bibliographique
Description: Un soupçon: poème / de Paul Éluard ; ill. de pointes sèches par Guino ; mis en lumière par Iliazd. - Paris : Degré quarante et un, 1965. - [34] bl. : ill. ; 44 cm
Imprimeur: Union
Tirage: 41 et VI exemplaires sur Japon impérial et 23 (et 2 exemplaires nominatifs) sur vieux Japon
Exemplaire: No. 8 des 23 sur vieux Japon
Note: Signé par l'auteur et l'éditeur.
Bibliographie: Bénézit 6-584, 6-806
Cotation: KW Koopm E 69
Références bibliographiques
- Paul van Capelleveen, Sophie Ham, Jordy Joubij, Voices and visions. The Koopman Collection and the Art of the French Book. The Hague, Koninklijke Bibliotheek, National Library of the Netherlands; Zwolle, Waanders, 2009
- Paul van Capelleveen, Sophie Ham, Jordy Joubij, Voix et visions. La Collection Koopman et l'Art du Livre français. La Haye, Koninklijke Bibliotheek, Bibliothèque nationale des Pays-Bas; Zwolle, Waanders, 2009
- Exposition Iliazd: ses peintres, ses livres, du 23 mai au 15 juin 1991. Paris, Flak, 1991
- Iliazd. Paris, Centre Georges Pompidou, 1978
- Audrey Isselbacher, Iliazd and the illustrated book. New York, Museum of Modern Art, 1987
- Johanna Drucker, 'Iliazd and the Book as a Form of Art', in: The journal of decorative and propaganda arts, 7 (1988) Winter, p. 36-51
- Violaine Vanoyeke, Paul Éluard: Le poète de la liberté. Paris, Julliard, 1995
- Françoise Woimant, Marcelle Elgrishi, 'Iliazd, Tériade et Pierre Lecuire, trois grands éditeurs de notre temps', in: Nouvelles de l'estampe, 15 (1974) mai-juin, p. 17-23