Lettrisme et hypergraphie

Année: 1972

Auteur: Gérard-Philippe Broutin (*1948)

Artiste: J.-B. Arkitu (*1954)

Éditeur: Fall

Lettrisme et hypergraphie, couverture

Alors que Baudelaire a renouvelé le poème, Verlaine et Rimbaud le vers et Mallarmé le mot, c'est Isidore Isou (1925) qui ferme la marche comme étant celui qui a renouvelé la lettre. L'enfant prodige romain Isou (pseudonyme de Jean-Isidore Goldstein) avait fui devant les nazis et était arrivé en 1945 à Paris où il a établi les principes de base du 'lettrisme'. Ainsi la lettre, qui est tout à la fois signe, image et son, est selon Isou à la base de toute poésie, en tant qu'acte de création.

Création, renouvellement, exploration et invention

Bien que le 'lettrisme' se concentre sur le plus petit élément de la langue, la lettre, le concept recouvre des domaines artistique, philosophique et scientifique. Ce n'est donc pas uniquement un mouvement artistique avant-gardiste qui trouve ses racines dans le dadaïsme et le surréalisme, mais avant tout une philosophie générale. Isou résume cette philosophie en un mot, la 'Créatique'. Il s'agit là de la 'création', du 'renouvellement', de 'l'exploration' et de 'l'invention' de domaines et de ramifications du savoir artistique, philosophique et scientifique.

Le lettriste considère la lettre comme étant à la base de toutes ces disciplines. Afin d'aboutir à une valeur tout à fait nouvelle, il tente de modifier ou de transformer dans son essence la lettre en tant qu'élément visuel, signe, son ou base de signification. Ce qu'il fait en la retournant (entièrement ou en partie), en l'inversant, en la divisant, en l'assemblant ou au contraire en l'interpolant ou en l'extrapolant. Il crée ainsi une infinité de formes, de significations et de valeurs nouvelles. Cette création de valeurs se manifeste à travers de multiples formes d'expression et disciplines, comme se fut le casà la Renaissance et pendant le Romantisme: essais, films, collages/affiches, peinture, théâtre, économie, politique, érotisme, roman. Il n'est donc pas étonnant que le lettrisme soit également considéré comme le dernier mouvement novateur.

Le 'groupe lettriste'

Concrètement, le lettrisme s'est construit autour du 'groupe lettriste'. Isidore Isou, Gabriel Pomerand (1926-1972) et Maurice Lemaître (1926) appartiennent à la première génération de lettristes. Les petites œuvres d'art autonomes que contienne cette édition de Lettrisme et hypergraphie datent d'une période du lettrisme plus récente, mais comprennent des œuvres des lettristes de la première comme de la seconde génération. Tout à fait dans l'esprit de sa propre philosophie, le lettrisme se renouvelle et se ramifie lui-même. Ainsi, une branche du lettrisme appelée hypergraphie se concentre non pas sur la lettre imprimée mais sur la lettre écrite. Et les cercles autonomes au sein du groupe lettriste possèdent en général chacun des projets indépendants qui lui sont propres.

  • Originele bijdrage van Roland Sabatier (gemengde techniek)

La séduction de l'inconnu

Les signes ou des mots étrangers, qu'il s'agisse de caractères chinois, arabes, hiéroglyphes ou russes, ont toujours exercé une fascination sans précédent sur notre pensée. C'est également là que réside la force du lettrisme et des création captivantes et originales qu’ont produit les lettristes. Elles nous séduisent au moyen de l'inconnu. Elles font parfois penser à la calligraphie arabe, aux hiéroglyphes égyptiens, à des tatouages ou à des graffitis contemporains. Les peintures authentiques d'Arkitu, de Canal, de Sabatier et de Darrell le montrent bien.

Quatre lettristes: Arkitu, Canal, Sabatier, Darrell

J.B. Arkitu, qui a rejoint le groupe lettriste en mai 1968, s'est initialement surtout laissé guider par la première technique du lettrisme, la phase amplique, au moyen de laquelle toutes les combinaisons stylistiques possibles de la lettre imprimée sont explorées. Plus tard, il s'est concentré sur l'hypergraphie et a développé un style très personnel.

Les œuvres qu'Arkitu a produites en explorant la lettre écrite sont novatrices et originales: elles n'évoque rien de connu et acquièrent ainsi une valeur et une expressivité qui ne tiennent qu'à elles.

Le style de Françoise Canal (1944) était tout d'abord ludique, instinctif, et semblait aller dans toutes les directions, avec son abondance de signes et de symboles. Puis il évolua, avec des compositions particulières, étudiées, réfléchies et discrètes. Sa contribution à cet ouvrage est de ce type, malgré le rose vif de la gouache.

Le lettriste dans l'âme Roland Sabatier (1942) s'est consacré au théâtre, au cinéma, à la photographie et il combine lettrisme, hypergraphie, collage et recherche technique. Il a publié un 'roman hypergraphique' et a également réalisé des variations sur les 'rayographies' de Man Ray. Sabatier a baptisé 'rayogrammes' les empreintes laissées non pas par des objets mais par l'écriture manuscrite et les lettres, au cours du processus de développement sur le papier photographique. Sa contribution à Lettrisme et hypergraphie combine collage, hypergraphie et science.

Originele prent door Myriam Darrell (Marie-Louise Nadal)

L'œuvre de Myriam Darrell-Spacagna (pseudonyme de Marie-Louise Nadal) (1944) ressemble à un puzzle, est raffinée et est réalisée dans un style qui se trouve à mi-chemin entre graffiti et hypergraphie élégante. Elle est peut-être bien celle qui sait le mieux exprimer la force de séduction qui émane du mystère des signes.

Description bibliographique

Description: Lettrisme et hypergraphie / Gérard-Philippe Broutin ... [et al.]. – Paris : Fall, 1972. - 70 p. : ill. ; 27 cm. – (Bibli opus)

Imprimeur: Serg (Ivry)

Tirage: 75 (exemplaires spéciaux)

Exemplaire: No. 62 des 75

Note: Comportant des gouaches ou encres de Chine originales de Arkitu, Broutin, Canal, Berreur, Curtay, Gillard, Hachette, Isou, Latour, Lemaitre, Poulain, Poyet, Sabatier, Satié, Sarthou, Spacagna, Studeny, Tarkieltaub, Tayarda, Venturini et Darrell-Spacagna, toutes signées et datées par les artistes.

Note: On a joint une gouache supplémentaire de Arkitu.

Bibliographie: Bénézit 12-152

Cotation: KW Koopm K 336

Références bibliographiques

  • Gérard-Philippe Broutin, Lettrisme et hypergraphie. Paris, Fall, 1972
  • Paul van Capelleveen, Sophie Ham, Jordy Joubij, Voices and visions. The Koopman Collection and the Art of the French Book. The Hague, Koninklijke Bibliotheek, National Library of the Netherlands; Zwolle, Waanders, 2009
  • Paul van Capelleveen, Sophie Ham, Jordy Joubij, Voix et visions. La Collection Koopman et l'Art du Livre français. La Haye, Koninklijke Bibliotheek, Bibliothèque nationale des Pays-Bas; Zwolle, Waanders, 2009
  • Jean-Paul Curtay, La musique lettriste: (La musique lettriste, hypergraphique, infinitésimale, aphoniste et supertemporelle). Paris, Richard-Masse, 1971
  • Jean-Paul Curtay, 'Qu'est-ce que le lettrisme?', dans: Magazine littéraire, (1968) 20, p. 38-41
  • Isidore Isou, Les lettristes sont irrécupérables jusqu'à la société de l'éternité concrète, paradisiaque. Paris, Jannink, 2005
  • Lydie Krestovsky, 'Le lettrisme avant la lettre', dans: L'esprit, 15 (1947) 139 (nov), p. 728-743
  • François Poyet, 'Le mouvement lettriste et kladologique', dans: La revue musicale, 282 (1971), p. 55-60