Mes amis

Année: 1927

Auteur: Emmanuel Bove (1898 - 1945)

Artiste: André Dignimont (1891 - 1965)

Éditeur: Émile-Paul frères

Mes amis, couverture

Emmanuel Bove, né Emmanuel Bobovnikoff, à Paris, mourut dans sa ville natale le vendredi 13 juillet 1945, le soir où la France entière se préparait à la première célébration de grande envergure du 'quatorze juillet', depuis la Deuxième Guerre mondiale. Étant connu pour être un homme taciturne, un observateur timide et discret, Bove se serait probablement tenu à l'écart de ces festivités. Ses romans et nouvelles sont peuplés de personnages maladroits, des 'losers', qui n'ont pas un 'radis' et qui, dans leur environnement banal, acceptent avec résignation leur destin sans perspective. Son style léger, et ses observations humoristiques, donnent à ses récits navrants et plutôt déprimants, une note moderne également; la thématique, et non le style, concorde précisément avec l'ambiance de l'après-guerre.

Victor Bâton est un invalide de guerre, il vit d'une allocation minimum et habite une chambre d'hôtel minable, à Paris, d'où il se fait finalement chasser… en bref, le prototype des personnages romanesques de Bove. Notre homme passe ses journées, autant que possible, dans la rue, où il erre sans but, aspirant vivement à l'amitié, ou mieux encore, à trouver une maîtresse, 'à qui je confierais mes peines'. Il raconte sa propre histoire dans Mes amis, qui parut en 1924.

Vocation précoce

L'auteur, Emmanuel Bove, n'avait alors que 25 ans, et l'histoire présente des points de repère que l'on retrouve dans sa propre vie. En tant que fils d'un émigrant russe juif et d'une femme de chambre d'origine luxembourgeoise, il connut de près la misère sociale. La jeunesse de Bove se déroula à Paris, en Suisse et en Angleterre, alternant constamment la misère noire et une relative aisance, dans un esprit d'impuissance, d'inutilité, de solitude et d'échec.

Dès sa quatorzième année, Emmanuel Bove savait qu'il voulait devenir écrivain. Travaillant de ci de là, il commença à écrire tôt, sous différents pseudonymes, imaginant des détectives et petits romans qu'il produisait à la chaîne, sans beaucoup de peine (à la même époque, débutait Georges Simenon). En 1923, Bove fut engagé comme journaliste par un nouveau journal; Le quotidien. Il écrivait avec dévouement dans la rubrique des 'faits divers', puisant de l'inspiration, en tant que chroniqueur judicaire, pour ses propres romans. L'auteur Bove fut 'découvert' par Colette, rédacteur au quotidien Le matin, à l'instigation de qui parut son premier roman, Mes amis, dans la 'Collection Colette', mise en place par Colette à la maison d'édition Ferenczi. Le livre fut un succès immédiat. 'Ce livre est délicieux, émouvant, drôle, original', écrivit, émerveillé, le célèbre auteur et metteur en scène, Sacha Guitry, que l'on aurait plutôt vu dans les salons des riches, que comme lecteur d'un livre tel Mes amis. La critique positive de Guitry, dans le magazine grand public de droite, Candide, assura le lancement du livre.

Réédition illustrée

Après ce succès, suivirent d'autres livres et articles, écrits à un rythme forcené, mais Bove n'était pas très fidèle à ses éditeurs. Pour son deuxième livre, Armand, dédié (nota bene) à Colette, il s'adressa aux frères Émile-Paul, connus comme éditeurs du livre Le Grand Meaulnes, d'Alain Fournier. Il fit paraître son troisième livre, Un soir chez Blutel, chez 'Lucien Kra', Émile-Paul frères réagissant sportivement, avec la mise sur le marché, en 1927, d'une magnifique réédition de Mes amis, ornée de saisissantes gravures d'André Dignimont. Cet artiste, célèbre pour ses multiples illustrations réalisées dans un style typiquement parisien, dessinait d'une manière rapide, experte et humoriste, des hommes enjoués et des femmes piquantes, représentant la vie divertissante des cafés et des rues. Dignimont eut une solide formation à l'Académie Julian. En tant que peintre, il exposa régulièrement dans les salons connus, et il fut également concepteur pour l'Opéra de Paris et pour la Comédie Française. Bove connaissait personnellement l'artiste, et il l'aimait bien. Pour Mes amis, Dignimont réalisa douze grandes et deux petites gravures, l'exemplaire de la Collection Koopman étant un des 25 exemplaires imprimés sur papier Japon impérial. Il contient des suites des gravures, ainsi qu'un dessin original de Dignimont, non destiné à ce livre, mais à 'La visite de D[illisible]'. Le livre est relié en plein chagrin marron, cette reliure ayant été conçue par l'orfèvre et relieur Pierre J.M. Thielen (né à Maastricht en 1937).

Tiré de l'oubli

Cela demeure un mystère, qu'Emmanuel Bove, un auteur qui fut comparé à Dostoïevski, Tsjechov et même Proust, et qui s'attira l'immense admiration d'auteurs comme Rainer Maria Rilke, Max Jacob, Philippe Soupault, André Gide et Samuel Beckett, pût tomber dans l'oubli le plus profond, dès son décès. Ce ne fut que dans les années soixante-dix du 20e siècle, qu'un nouveau 'Bove-boom' se produisit, initié en Belgique par l'artiste du mouvement Cobra, Christian Dotremont, et par quelques autres artistes comme Michel Butor et Pierre Alechinsky. Ceux-ci constatèrent que Bove avait influencé de nombreux auteurs après sa mort, ses livres étant cependant devenus introuvables. 'Harcelons les libraires, harcelons directement les éditeurs. Vive Emmanuel Bove!', écrivit Dotremont dans un manifeste. Ce manifeste se présentait sous la forme d'une carte de visite qui se distribuait aisément, et ce, dans l'intention d'arracher l'écrivain à l'oubli. Cet appel fut entendu, les livres de Bove étant actuellement de nouveau disponibles partout, sa biographie étant même traduite en néerlandais.

 

Mes amis, colophon

Description bibliographique

Description: Mes amis / Emmanuel Bove ; grav. de Dignimont. - Paris : Émile-Paul frères, 1927. - [205] p., 13 bl. : ill. ; 28 cm

1re édition: 1924

Imprimeur: Coulouma (Argenteuil) (tekst) La Roseraie (Paris) (etsen)

Tirage: 225 exemplaires

Exemplaire: No. 12 des 25 sur papier Japon impérial, contenant 2 suites des gravures et un dessin original, signé par l'artiste

Relieur: Pierre J.M. Thielen

Note: Envoi autographe de l'auteur

Bibliographie: Carteret IV-79 ; Mahé I-346 ; In liefde verzameld 228 ; Monod 1832

Cotation: KW Koopm A 546

Références bibliographiques

  • Raymond Cousse, Jean-Luc Bitton, Emmanuel Bove, la vie comme une ombre: Biographie. Bordeau, Le Castor Astral, 1994
  • David Nahmias, Emmanuel Bove: Carnet d'une fugue. Bègles, Le Castor Astral, 1998
  • Jan Storm van Leeuwen, 75 jaar boekbindkunst in Nederland. Amsterdam, Organisatie van Fabrikanten van Grafische Eindprodukten, 1984
  • Gilles Vidal, Tombeau d’Emmanuel Bove. Paris, L'Incertain, 1993