Le mur du son

L'éditeur et poète Pierre Seghers publia en 1953 un remarquable poème, Le mur du son, un livre en accordéonjoliment soigné, imprimé sur du papier Auvergne en rouge, vert et noir, et tiré à 500 exemplaires.

Mais ce n'était pas un poème comme les autres, s'agissant principalement d'une déclaration politique, voire d'un tract. Seghers, qui joua un rôle capital dans la poésie de la Résistance française, fit des remarques vigoureuses, dans quatre strophes, sur l'utopie communiste :

'Nous avons pris la lunette des guillotines

Pour un soleil et le regard en couperet

N'est pas une image'

Louis Aragon et Elsa Triolet, couple d'écrivains communistes convaincus, de bons amis à lui, furent choqués par le ton venimeux de sa publication, dans laquelle fut constaté ce qui suit : 'Nous avons appelé l'univers cohérent / Mais nos cervelles devenaient électroniques'. Seghers avait conscience des réactions qu'il suscitait, écrivant dans le présent exemplaire, à la fin de l'ouvrage, une dédicace (au couple de peintres Philippe et Liliane Morisson): 'ce tract qui m'a valu bien des misères'. Si Aragon et Triolet demeurèrent ses amis, Seghers resta cependant méfiant, sa vie durant, vis-à-vis de la politique et de son influence destructive sur les relations humaines. Il n'y eut plus jamais de réédition, mise à part une édition bulgare en 1976.