Le cornet à dés

Année: 1948

Auteur: Max Jacob (1876 - 1944)

Artiste: Jean Hugo (1894 - 1984)

Éditeur: NRF

Le cornet à dés, couverture

Max Jacob était un homme aux multiples visages: un juif converti au catholicisme, un écrivain qui relatait avec le plus grand sérieux les visions qu'il avait du Sauveur et griffonnait dans le même temps des parodies à l'humour caustique, un mystique et un clown. Il vécut pendant des années à Paris, parmi des artistes et écrivains célèbres, avant de se retirer dans un couvent. Il s'intéressait à l'occultisme et l'interprétation de la bible et écrivit sous le nom de Morven le Gaélique un recueil de chants celtiques. Il travaillait en tant que critique d'art sous le pseudonyme de Léon David, exerçant dans le même temps les métiers de professeur de piano et employé de magasin. Il était tout à la fois subversif, théâtral, comique, malheureux et assurément inimitable.

Chaos organisé

Son travail est tout aussi riche en contrastes. Pensées profondes et traits d'esprit, prose et poésie, mystique et trivialité s'y côtoient. Son oeuvre la plus importante, la plus lue également, est Le cornet à dés (1917). C'est un recueil de 300 poèmes en prose que Jacob écrivit entre 1903 et 1910. Ces poèmes truffés de jeux de mots peuvent être considérés comme un chaos organisé, un hasard systématique, comparable à la roulette ou à un jeu de dés- d'où le titre, qui rappelle le godet où l'on agite les dés. D'après l'auteur, la composition de ce recueil est tout aussi aléatoire que le résultat d'un jet de dés.

Gravures sur bois en couleur

Cette référence au jeu est également programmatique: le poète jongle avec la langue. Il n'est pas possible de placer Le cornet à dés dans un courant artistique particulier: il possède quelque chose de surréaliste, évoque le cubisme et beaucoup y voient également des ressemblances avec l'œuvre d'Apollinaire. Ce qui est certain, c'est que ce recueil est novateur et expérimental. La 'Préface de l'édition de 1916' par Max Jacob, dans laquelle il introduit le concept de 'situation', est presque aussi célèbre que les poèmes eux-mêmes.

En 1948-Max Jacob était mort d'une pneumonie pendant la Seconde guerre mondiale au camp de concentration de Drancy- la maison d'édition Gallimard publia une nouvelle édition du Cornet à dés. Jules Germain, Robert Armanelli et André Marliat réalisèrent des gravures sur bois à partir de 130 gouaches de Jean Hugo. Ce dernier, époux de Valentine Gross et arrière petit-fils de Victor Hugo, avait fait des études de littérature mais avait appris tout seul la peinture et travaillait en tant qu'artiste. Son travail, souvent qualifié de naïf, rappelle celui d'un autre autodidacte de renom: le Douanier Henri Rousseau. Cependant, il est aussi visiblement influencé par le surréalisme. Jean Hugo semble également avoir hérité de son célèbre ancêtre un goût pour le romantisme et les contes. Il fabriquait également des costumes et des décors et a illustré une centaine d'ouvrages.

Miniatures

Pour Jean Hugo, illustrer des livres n'était pas une activité gratuite, c'était une véritable passion. Il se plaçait dans la tradition séculaire des enlumineurs, qui d'ordinaire réalisaient dans l'ombre leur travail de bénédictin. Ses illustrations rappellent d’ailleurs fortement les miniatures d'autrefois: de petits dessins colorés, réalisés avec soin, situés au milieu du texte. Il illustrait en général des livres écrits par des amis, de manière à ce que l’ouvrage soit le fruit d'une concertation. C'est ainsi qu'il a réalisé les illustrations pour des œuvres de Pierre-André Benoit, Cocteau, Radiguet et Maurois.

Jean Hugo connaissait également Max Jacob, même si c'était surtout du point de vue professionnel: ils se rencontraient à l'occasion d'expositions. En 1947, Hugo peignit deux toiles qui font référence à Max Jacob: 'The House of Mme Persillard where Max Lived 15 VIII' et 'Rue Max-Jacob at St. Benoit, 1947'. A certains égards, Jacob et Hugo étaient à l'opposé l'un de l'autre: Hugo rompit avec la religion alors que Jacob se convertit; l'art de Jacob est systématique, celui d'Hugo personnel. Malgré ces différences d'opinions en matière d'art, cette édition du Cornet à dés est extrêmement harmonieuse.

Description bibliographique

Description: Le cornet à dés / Max Jacob ; ill. par Jean Hugo de 113 gouaches gravées sur bois, en couleurs, par Jules Germain, Robert Armanelli & André Marliat. - Paris : NRF, 1948. - 210 p. : ill. ; 27 cm

1re édition: 1916

Imprimeur: Jourde en Allard (Paris)

Tirage: 422 exemplaires

Exemplaire: No. 96 de 360 sur papier vélin de Lana

Caractère: Bodoni

Bibliographie: Bénézit 7-249/250 ; Monod-6298

Cotation: Koopm L 493

Références bibliographiques

  • Pierre Andreu, Vie et mort de Max Jacob. Paris, La Table Ronde, 1982
  • *Jean Hugo: **Une rétrospective*. Arles, Actes Sud, 1995.
  • *Max Jacob,**poète et romancier*. Pau, PUP, 1995
  • Sydney Lévy, The play of the text: Max Jacob’s Le cornet à dés. Wisconsin, The University of Wisconsin Press, 1981