Rues & visages de Berlin

Année: 1930

Auteur: Jean Giraudoux (1882 - 1944)

Artiste: Chas Laborde (1886 - 1941)

Rues & visages de Berlin, couverture

La vie à Berlin, dans les années vingt et trente, ne semble plus avoir de secrets pour nous. Des films comme 'Cabaret', des livres comme ceux de Christopher Isherwood, et les images et tableaux de George Grosz et Otto Dix, ont généré une image inoubliable d'une ville très animée, joyeuse et décadente, où la vie mondaine fleurissait comme jamais auparavant. L'artiste français, Chas Laborde, contribua également à cette réputation de la ville de Berlin.

Jean Giraudoux, qui écrivit les textes pour Rues & visages de Berlin (1930), n'était pas seulement écrivain, mais aussi diplomate. Jeune homme, il s'était lancé, dans un élan d'enthousiasme, dans l'étude de la germanistique. De ce fait, il connaissait bien l'Allemagne, y voyageant fréquemment, étant même, très peu de temps, professeur particulier chez le duc de Saxe Meiningen, à Munich. C'était l'homme idéal pour écrire un récit, bien documenté, sur Berlin, le livre excellant par ses informations historiques de fond, ses anecdotes et ses observations originales. Giraudoux raillait aussi les usages et habitudes des Allemands.

Ville en fête

Chas Laborde illustra Rues & visages de Berlin, avec visiblement beaucoup de plaisir, et beaucoup de 'Schwung'. Des Berlinois, d'avant la Première Guerre mondiale, pleins d'entrain, s'amusent manifestement, dans une ville en fête, qui, à l'époque, formait encore une entité. Des dames et des messieurs distingués, à l'Opéra, sur les terrasses bondées, paradant sur 'Unter den Linden'. Un public tout occupé à faire du shopping, sur la place Potzdammerplatz et dans la rue Friedrichstrasse; ici, la cour intérieure d'un quartier populaire; là, un dimanche dans le parc. Il y a du monde partout, dans les rues, les parcs, à la piscine, et dans les boîtes de nuit. Les filles portent des petits chapeaux et bérets élégants, mais les celles qu'on voit dans le 'Casanova', dans les grands magasins de luxe ou le long de la Kurfürstendamm, sont-elles toutes des filles ordinaires? Giraudoux avait bien quelques doutes, car le travestisme et la prostitution foisonnaient à Berlin. De grosses matrones, et des messieurs boursouflés, dandys et snobs, des filles joyeuses et des militaires, font penser à ceux de George Grosz, avec qui Chas Laborde a souvent été comparé. Pourtant, même si Laborde donna souvent une image plutôt réaliste de la vie mondaine dans la grande ville, ses images étaient moins crues et venimeuses que celles de son contemporain allemand.

Rues & visages de Berlin fut édité à Paris par les Éditions de la Roseraie, se présentant comme un portefeuille de couleur argentée, avec des images séparées et un cahier. Il y avait deux séries, de 18 eaux-fortes, une liasse en noir et blanc, et une en couleur. Dans le texte lui-même, sont également insérés de nombreux petits dessins drôles qui agrémentent les pages, accentuant l'ambiance créée par le récit de Giraudoux.

Chas Laborde illustra également des livres d'autres auteurs très lus, tels que Jacques de Lacretelle, Anatole France, Willy en Colette, Francis Carco et Guy de Maupassant, écrivant aussi lui-même. On lui connaît La porte ouverte (75 cartoons et aphorismes assortis), et l'ouvrage plein d'esprit, Théodore et le petit chinois (1943), publié à titre posthume par son neveu, Guy Laborde. Après sa mort parut également, École de patience: la guerre vue par Chas Laborde (1951), comportant, en paroles et en images, ses expériences de la Première Guerre mondiale. Il fut mêlé de près aux combats, et fut victime, comme fantassin, d'une attaque au gaz toxique. Un tel sort pourrait justifier ce que l'ami de Laborde, Pierre Mac Orlan, prétendit dans sa préface d'École de patience. Il décrivit Chas Laborde comme 'un sentimental d'une grande délicatesse et d'une pudicité encore plus grande', s'y ajoutant son expérience vécue de la guerre des tranchées de 1914-1918. Il mourut en 1941, peu après avoir vu marcher un bataillon allemand sur la Place de l'Étoile, sa mort étant provoquée, d'après Mac Orlan, par le chagrin pur et simple. Si Laborde avait vaincu les Allemands, dix ans plus tôt, dans leur capitale, manifestement il ne pouvait supporter de les voir maintenant, en tant qu'envahisseur, dans sa propre ville.

Rues & visages de Berlin, colophon

Description bibliographique

Description: Rues & visages de Berlin / Jean Giraudoux. - Texte inéd. - Eaux-fortes et dess. de Chas Laborde. - Paris : Éditions de la Roseraie, 1930. - 27 p., 18 bl. pl. : ill. ; 44 cm

Imprimeur: Frazier-Soye (Paris) (texte) Roger Lacourière (Paris) (gravures)

Tirage: 156 exemplaires

Exemplaire: No. 71 des 90 sur papier vélin d'Arches

Bibliograhie: Carteret IV-186 ; In liefde verzameld-15

Cotation: KW Koopm E 3

Références bibliographiques

  • Guy Laborde, Charles Laborde. Alfortville,Quatre Feuilles, 1970
  • Pierre Mac Orlan, 'Évocation', dans: Chas Laborde, École de patience: La guerre vue par Chas Laborde. Monaco, A la voile latine, 1951, p. 11-17