La femme rompue

Année:
1967
Auteur:
Simone de Beauvoir (1908 - 1986)
Artiste:
Hélène de Beauvoir (1910 - 2001)
Éditeur:
Gallimard
Titre de La Femme rompue

'Pourquoi avez-vous choisi d'illustrer ce livre qui est le plus médiocre qu’ait écrit votre soeur?', demanda-t-on à l'artiste Hélène de Beauvoir lors d'une interview télévisée donnée à l'occasion d'une exposition de ses tableaux. Le journaliste faisait référence à l'édition de luxe de La Femme rompue, écrite par sa célèbre sœur Simone de Beauvoir, qui avait été publiée en 1967 et qu'Hélène avait illustrée de seize gravures originales. Au cours de l'automne de la même année, trois nouvelles de ce recueil avaient également été publiées dans le magazine féminin Elle, illustrations comprises. Cette œuvre fut un best-seller, mais les critiques la descendirent en flammes. Dans Tout compte fait (1972), l'un de ses écrits autobiographiques, Simone de Beauvoir déclare que cette collaboration était un souhait de longue date, qui n'avait pu se réaliser qu'avec La femme rompue. Les nouvelles de ce recueil se prêtaient en effet davantage à être illustrées que ses autres textes, plus longs. Hélène prit avec feu la défense du recueil qu'avait écrit sa sœur: selon elle, quiconque ne savait apprécier cette œuvre était tout simplement trop peu intelligent pour la comprendre.

Mauvaises critiques

Les critiques émises à l'encontre de la dernière œuvre de fiction de Simone de Beauvoir émanaient de sources diverses. La plupart des critiques littéraires- masculins- considéraient cette œuvre comme des confessions à caractère autobiographique, la qualifiant de lecture pour midinettes. Ils trouvaient en général que ce livre était sans importance et d'un niveau peu élevé. Pour certains, le simple fait que les nouvelles aient été publiées dans un magazine féminin suffisait pour les placer avec dénigrement dans la catégorie des romans à l'eau de rose. Mais des féministes, elles aussi, réagirent de façon négative à la publication de ce recueil. Elles trouvaient que les personnages principaux n'étaient pas des femmes fortes, qui prenaient leur destin en main, mais des femmes totalement soumises à leurs époux et à leurs enfants. Cela irritait Simone de voir qu'elles se sentaient trahies par l'auteur de la 'bible du féminisme', comme on appellerait plus tard Le Deuxième sexe, son œuvre la plus célèbre.

Mais Simone de Beauvoir n'était pas non plus heureuse des réactions positives de son lectorat. Beaucoup de lectrices s'identifiaient aux personnages féminins de La Femme rompue. Totalement à tort, d'après l'auteur. Son intention avait justement été de montrer ce qu'il ne fallait pas faire. Les trois nouvelles ('L'Age de discrétion', 'Monologue' et le récit qui a donné son titre au recueil, 'La Femme rompue') mettent en scène des femmes qui vivent uniquement pour les autres, et tout particulièrement pour leurs époux. De nombreux lecteurs pensaient que c’était une œuvre autobiographique et que les thèmes qui y sont abordés, la vieillesse, l'abandon et le désespoir, étaient tirés de ce qu'elle avait vécu personnellement. Les lectrices d'Elle, notamment, réagirent en masse, envoyant des lettres où elles exprimaient leur compassion pour les principaux personnages de ses récits. Simone rejeta radicalement ces témoignages de soutien, affirmant que ces femmes étaient elles-mêmes soumises ou domptées, où du moins en bonne voie de l'être.

Contraste

Interprétation erronée ou non, les mauvaises critiques que reçut La Femme rompue ne portèrent pas préjudice à la carrière de son illustratrice, Hélène de Beauvoir. Alors que Simone, sa célèbre sœur, évoluait avec son compagnon Jean-Paul Sartre (1905-1980) au sein des milieux culturels et intellectuels parisien, Hélène menait quant à elle une existence relativement retirée en Alsace, avec son époux Lionel de Roulet. Dans des cafés tels que Le Flore, et à l'occasion de fêtes données par la prestigieuse maison d'édition Gallimard, Simone rencontrait des écrivains et des artistes tels que Cocteau, Camus, Genet et Giacometti. Elle déclina même un jour une illustration de Picasso pour la couverture du magazine existentialiste Les Temps modernes- dont elle était, avec Sartre, l'un des co-fondateurs.

Hélène a toujours vécu dans l'ombre de sa sœur, de deux ans son aînée. Simone, qui avait beaucoup plus de succès, ne comprenait pas toujours pourquoi Hélène n'abandonnait pas sa carrière artistique, dont le cours s'avérait laborieux, mais elle se rendait fidèlement à chacune des expositions de cette dernière. Simone, quant à elle, considérait le succès comme un facteur important pour continuer à être motivée et à travailler. La première exposition d'Hélène eut lieu à Paris en 1936. Elle exposa ensuite à Florence, Milan et Tokyo, entre autres. Son travail abstrait est décoratif et influencé par le cubisme. Elle se consacra surtout à la peinture, mais illustra également le livre Paysages et destins balzaciens d'Amédée Ponceau, qui fait également partie de la Collection Koopman (cotation Koopm K 145).

L'exemplaire de la La Femme rompue de la Collection Koopman est le numéro 73 des 107 exemplaires numérotés grand format. Cette édition fut, comme le reste de l'œuvre de Simone de Beauvoir et celle de Sartre, publiée chez Gallimard. Un détail saillant est que la maison d'édition avait initialement d'importantes réticences au sujet de l'œuvre de Simone de Beauvoir. La célèbre firme craignait, en publiant ce genre de littérature 'féminine', d'être considérée comme une maison d'édition désirant bousculer l'ordre social, ce qui aurait pu effrayer acheteurs et critiques littéraires. Il est maintenant évident que cette crainte était totalement infondée.

Description bibliographique:

Description:
La femme rompue / Simone de Beauvoir ; ill. de 16 burins orig. par Hélène de Beauvoir. - Éd. Orig. - [Paris] : Gallimard, 1967. - 165 p. : ill. ; 40 cm
Imprimeur:
Tournon (texte); Atelier Leblanc (gravures)
Tirage:
143 exemplaires
Exemplaire:
No. 73 de 107 sur papier Lana
Caractère:
Bodoni
Rélieur:
Cannac (cassette)
Note:
Envoi autopgraphe de l'auteur à Louis Koopman; Avec prospectus
Bibliographie:
Bénézit 2-937 ; Monod-1265
Cotation:
KW Koopm A 409

Références bibliographiques

  • Deirdre Bair, Simone de Beauvoir: A biography. New York, Summit Books, 1990
  • Simone de Beauvoir, Tout compte fait. Paris, Gallimard, 1972
  • Jean-Louis Ferrier, 'Sur la peinture d'Hélène de Beauvoir', dans: Les temps modernes, 18 (1963) 201, p. 1504-1512
  • Claude Francis, Fernande Gontier, Les écrits de Simone de Beauvoir: La vie, l'écriture Paris, Gallimard, 1979