Journées de lecture
Année: 1969
Auteur: Marcel Proust (1871 - 1922)
Artiste: Pierre Lesieur (1922 - 2011)
Éditeur: Le livre contemporain, Les bibliophiles franco-suisses
D'astucieuses métaphores
En 1905, Proust publie dans la revue La Renaissance latine, sous le titre Sur la lecture, la préface pour la traduction de Sesame and Lilies, qui paraît un an plus tard aux éditions Mercure de France. En 1919, il publie de nouveau Sur la lecture, avec quelques petites modifications, dans son recueil Pastiches et mélanges, mais sous un autre titre: Journées de lecture. De ce texte paraît en 1969 une édition bibliophile réalisée par Le livre contemporain et les Bibliophiles Franco-suisses.
'Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré'. Ainsi commence Journées de lecture. Proust y décrit en détail, au moyen d'interminables phrases, remplies d'astucieuses métaphores, l'atmosphère dans laquelle il s'adonna, enfant, aux plaisirs de la lecture. En effet, ce qui reste essentiellement de la lecture, ainsi l'exprime-t-il, c'est 'l'image des endroits et des jours où nous lision'.
Sesame and Lilies comprend deux conférences que Ruskin a données à Manchester en 1864: Of king's treasuries et Of queen's gardens. La première conférence, Of king's treasuries, traite entre autres choses de l'intérêt des livres et fut à l'origine de l'article de Proust, qui n'était pas tout à fait d'accord avec Ruskin. Celui-ci voyait la lecture comme un but en soi, alors que pour Proust elle n'était qu'un moyen. Le premier comparait la lecture avec un bon entretien qu'on peut avoir avec des gens cultivés et issus de générations antérieures. Pour Proust, la lecture donnait accès, d'une manière magique, aux régions de l'âme qui jusque là étaient restées fermées, elle formait l'esprit critique et faisait prendre conscience au lecteur de sa propre vie intérieure. La lecture devient justement dangereuse, selon Proust, lorsqu'elle ne fait pas prendre conscience au lecteur de sa propre vie spirituelle - mais qu'au lieu de cela elle la remplace. Car- dit-il- la recherche de la vérité est un idéal qui ne pourra jamais se réaliser par la lecture passive de livres d'autrui.
Un artiste subtil
Les gravures finement élaborées qui accompagnent Journées de lecture sont de la main de Pierre Lesieur. Après avoir fréquenté l'École des Beaux Arts pendant trois jours et avoir pris pendant une courte période des cours à l'académie du peintre cubiste André Lhote et à celle du fauviste Othon Friesz, il tourna le dos à l'enseignement artistique. Lesieur se développa de ses propres forces en artiste subtil, qui trouvait son inspiration dans les voyages mais aussi dans les choses de la vie de tous les jours. Dans Journées de lecture sont représentés des livres, bibliothèques, des personnes en train de lire et toutes sortes de détails: une fenêtre ouverte, de la vaisselle sur une table de salon, la commode dans la chambre à coucher avec la pendule sous la cloche de verre, qui 'bavardait dans l'intimité pour des coquillages venus de loin et pour une vieille fleur sentimentale'.
Dans Journées de lecture Proust consacre également quelques pages à la Hollande en rapport avec un chercheur de 'vérité', qu'il espère y trouver après un fatigant voyage. Car là-bas- à Dordrecht, Utrecht ou Amersfoort- il trouverait peut-être la vérité, par exemple 'aux feuillets d'un in-folio jalousement conservé dans un couvent de Hollande'. Les eaux-fortes de Lesieur- avec leurs maisons qui se reflètent dans l'eau des canaux- correspondent parfaitement au texte.Anna de Noailles fut émerveillée par la préface de Proust pour Sesame and Lilies et elle lui écrivit que tous les gens qu'elle connaissait avaient été envoûtés par ses 'pages divines'. Elle comparait ses phrases à de précieux fils de soie. Mais Proust- habitué comme il l'était à écrire lui-même des paroles flatteuses qu'il ne pensait pas toujours, lui répondit que son article était 'exécrable', et que ces beaux fils de soie collaient aux dents comme du nougat.
Description bibliographique
Description: Journées de lecture / Marcel Proust ; eaux-fortes orig. de Pierre Lesieur. - [Paris] : Livre contemporain : Bibliophiles franco-suisses, 1969. - [82] p. : ill. ; 38 cm
Imprimeur: Marthe Fequet et Pierre Baudier (texte) Lacourière en Frélaut (gravures)
Tirage: 200 exemplaires
Exemplaire: No. 136 de 180 sur papier grand vélin de Rives, imprimé pour René Marsal
Caractère: Elzévir ancien
Bibliographie: Bénézit 8-568 ; Monod-9327
Cotation: KW Koopm K 327
Références bibliographiques
- William C. Carter, Marcel Proust:A life. New Haven, CT, Yale University Press, 2000
- Alain De Botton, Hoe Proust je leven kan veranderen. Amsterdam, Atlas, 2001
- Lydia Harambourg, L' École de Paris, 1945-1965: Dictionnaire des peintres. Neuchâtel, Ides & Calendes, 1993
- Marcel Proust, Journées de lecture. Paris, Union générale d'Éditions, 1993
- Jean-Yves Tadié, Marcel Proust: Biographie. Paris, Gallimard, 1996