Amphitryon 38 : comédie en trois actes
Année: 1931
Auteur: Jean Giraudoux (1882 - 1944)
Artiste: Mariano Andreu (1888 - 1977)
Éditeur: Bélier
Théâtre novateur
L'acteur Louis Jouvet (1887-1951) possédait son propre théâtre, la Comédie des Champs-Elysées sur l'avenue Montaigne, à Paris. Il demanda à Giraudoux de lui écrire une pièce de théâtre. Ce fut Siegfried, tiré de son roman Siegfried et le Limousin, datant de 1922. Jouvet la lui fit réécrire sept fois, et c'est ainsi que Giraudoux apprit comment fonctionne un texte destiné à la scène. Sa prose était précieuse et débordait d'allusions obscures, ses pièces de théâtre par contre - il devait finalement en écrire quinze - étaient non seulement subtiles et poétiques, mais également claires, ironiques et directes. Les critiques concernant sa première tentative furent excellentes: le théâtre français échappait enfin à la férule du naturalisme, du réalisme et de la psychologie. Giraudoux fut rangé parmi les écrivains novateurs et ses pièces furent représentées jusqu'en Amérique du Sud, grâce à l'infatigable Louis Jouvet, qui se chargea en 1929 de la première d'Amphitryon 38, la pièce plus célèbre de Giraudoux. Cette dernière fut également bien reçue. Il y eut également des exceptions: Des critiques italiens qualifièrent cette pièce de blasphématoire et en France, Paul Claudel écrivit qu'il n'avait pu la lire jusqu'au bout à cause de son 'ton égrillard et polisson'. Giraudoux lui-même avait l'impression que les louanges que recevait Amphitryon 38 revenaient principalement aux acteurs: Louis Jouvet (qui jouait le rôle de Mercure), Pierre Renoir (Jupiter) et Valentine Tessier (Alcmène).
Cette pièce de théâtre était loin d'être la première ayant pour objet le personnage mythologique d'Amphitryon - époux d'Alcmène, qui a avec Zeus une liaison dont Hercules est le fruit. Des auteurs célèbres tels que Plaute, Molière, Dryden et Heinrich von Kleist précédèrent Giraudoux, raison pour laquelle il lui accola le numéro 38. Un professeur fit des recherches tout à fait sérieuses à ce sujet et aboutit à la conclusion que le numéro choisi par Giraudoux était bien trop bas. C'était donc le énième Amphitryon, mais le premier pour son auteur, et ce fut une pièce où le rôle principal revint en fait à Alcmène. C'est pour cette raison que l'on proposa de la rebaptiser Alcmène I au lieu d'Amphitryon 38. Dans cette pièce, les dieux sont présentés comme des êtres humains, dans des situations banales. Leur caractère divin leur est enlevé. Giraudoux affirmait qu'il n’avait fait que fournir la matière brute et que Louis Jouvet avait fait de ses boulettes de papier un magnifique bouquet. Il existe des traces écrites, qui ont été conservées, de tous les stades de cette collaboration. La mise en scène de la première représentation était une alliance entre architecture grecque et cubisme contemporain. Une tournée européenne couronnée de succès s'en suivit. En 1934, le célèbre A.M. Cassandre créa de nouveaux décors pour cette pièce.
Le magicien de la polychromie
La première édition d'Amphitryon 38 sous forme de livre parut chez Grasset en 1929, dans la fameuse série Les Cahiers verts, suivie en 1931 par une édition illustrée publiée aux Editions du Bélier, à Paris. La mise en page et la typographie étaient conçues par l'artiste de style Art déco et imprimeur François-Louis Schmied (1873-1941). Ce dernier illustra à partir de 1911 des livres pour plusieurs maisons d'éditions, puis s'installa en 1922 rue de Hallé en tant qu'illustrateur, imprimeur et éditeur. Il était connu comme 'le magicien de la polychromie'; nombre de ses illustrations sont d’inspiration orientale. La crise économique, généralisée après 1931, mit également à mal l'industrie du livre, signifiant la fin de sa carrière pour François-Louis Schmied, bien qu’il continua de travailler jusqu’en 1941, grâce aux activités de gravure et d'imprimerie de son fils Théo. Il illustra 35 livres au total.
Dans cette édition, les illustrations sont de Mariano Andreu, un artiste né à Barcelone qui réalisa également des décors d'opéra et peignit des portraits de femmes. Ses dessins originaux furent ensuite gravés sur bois en camaïeu par le graveur Paul Toustain. Dans ce livre, ils sont imprimés au début de chaque acte sur fond rose. L'illustration de la page 9 représente Jupiter et Mercure, celle de la page 133 montre Alkmène et Léda (les gravures sur bois sont décrites dans le catalogue de l'œuvre d'Andreu par Esther Garcia-Portugués).
Cette édition illustrée fut publiée en 1000 exemplaires, au début de l'été 1931. La reliure de cet exemplaire est d'après une maquette de René Kieffer (1875-1963) et a également été réalisée par son atelier. Kieffer faisait des reliures dans des séries limitées, la même maquette étant utilisé pour plusieurs exemplaires. Le travail ne se faisait pas manuellement. Le dessin était imprimé en doré sur la reliure au moyen de tampons. Il est visible qu'il s'agit de travail de série, car le motif imprimé sur le dos est de travers, une imperfection qu'un relieur ne se permettrait pas de faire. La Collection Koopman possède environ cinquante ouvrages dont la reliure est de Kieffer.
Description bibliographique
Description: Amphitryon 38: comédie en trois actes / Jean Giraudoux ; [ill. par Mariano Andreu]. - Paris : Bélier, 1931. - 213 p. : ill. ; 27 cm 1e uitgave: 1929
1re édition: 960 exemplaires
Exemplaire: No. 240 des 857 sur papier vélin de chiffon de Lana
Relieur: René Kieffer (Paris)
Bibliographie: Carteret IV-185 ; Monod 5437
Cotation: Koopm A 22
Références bibliographiques
- Philippe Dufay, Jean Giraudoux: biographie. Paris, Julliard, 1993
- Esther García-Portugués, Mariano Andreu (1888-1979). Biografía y catálogo razonado. Barcelona, ArsNostrums Edicions, 2019
- Jean Giraudoux, du réel à l’imaginaire. Paris: Bibliothèque Nationale, 1982
- Louis Jouvet, Notes et documents. Paris, Perrin, 1952
- Bettina Liebowitz Knapp, 'Jouvet and Giraudoux 1928-1934', dans: Louis Jouvet, man of the theatre. New York, Columbia University Press, 1957
- Paul A. Mankin, Precious irony: The theatre of Jean Giraudoux. The Hague, Mouton, 1971
- Maurice Martin du Gard, Les mémorables, 1918-1945. Paris, Gallimard, 1999
- n, 1971
- Maurice Martin du Gard, Les mémorables, 1918-1945. Paris, Gallimard, 1999